Tag Archive: Houellebecq


Save Water, Drink beer.

‘…nous nous sommes rendus compte,   tardivement et brutalement, que la présence de l’homme finissait par menacer l’habitabilité de la biosphère pour toutes les formes de vie, y compris la vie humaine elle-même.’ – Arnold Toynbee– La Grande Aventure de L’Humanité.

« La frustration sexuelle crée chez

l’homme une angoisse qui se  manifeste par une crispation  violente, localisée au niveau de l’estomac ; le sperme semble remonter vers le bas-ventre, lancer des tentacules en direction de la poitrine. »Michel Houellebecq, Les Particules Elémentaires

« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.

                                                                  Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :

                                                                  Une atmosphère obscure enveloppe la ville,

                                                             Aux uns portant la paix, aux autres le souci. »-

                                                            Michel Houellebecq, Les Particules Elémentaires

« Il subsiste dans une certaine mesure, des familles

                                       (Étincelles de foi au milieu des athées,

                                        Étincelles d’amour au fond de la nausée),

                                        On ne sait pas comment

                                         Ces étincelles brillent

                       

                              Esclaves dans le travail d’organisations incompréhensibles,

                              Notre seule possibilité de réalisation et de vie, c’est le sexe

                              (Encore s’agit-il seulement de ceux à qui le sexe est permis,

                                De ceux pour qui le sexe est possible.) »  Michel

        Houellebecq, Les Particules Elémentaires

« Source de plaisir permanente, disponible, Les

 organes sexuels existent. Le dieu qui a fait notre

malheur, qui nous a crées passagers vains et

cruels, a également prévu cette forme de compensation faible. S’il n’y avait pas de temps à autre, un peu de sexe, en quoi consisterait la vie ?

Un combat inutile contre les articulations qui s’ankylosent, les caries qui se forment. »Michel Houellebecq, Plateforme.

 

  

                                                                        « Le désir vient donc d’une étoile perdue,

                                                                         il évoque un météore après lequel on

    court sans jamais le rattraper. »

    Frederic Beigbeider, Dernier Inventaire

    avant liquidation.

 

 

« La nature est une œuvre d’art, mais Dieu

                                                              Est le seul artiste qui existe, et l’homme

n’est qu’un arrangeur de mauvais goût. »-

George Sand

 

Michel Houellebecq : “Tout ce que la science permet sera réalisé”

LE MONDE | 20.08.05 | 16h12  •  Mis à jour le 23.08.05 | 13h02

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Toujours courtois, il prépare du café, récupère les cendriers dans le lave-vaisselle, enfile des chaussons d’appartement en cuir noir, et se dit prêt à être interrogé. Comme tout écrivain certain d’être attendu au tournant de la malveillance, il est à la fois prudent et habile. Après chaque question, il prend son temps. Réfléchit, tire sur sa cigarette, soupire un peu en disant quelques mots, se tait de nouveau, puis donne sa réponse. C’est assez désarçonnant, mais on finit par aimer ce rythme, on s’amuse de son sourire en coin, de son air du type auquel on ne la fait pas. Ou plus. Car on l’a connu moins méfiant. Ce qui lui a valu des ennuis, un procès. Et il n’est pas homme à commettre plusieurs fois les mêmes erreurs.

Votre quatrième roman, La Possibilité d’une île, qui sort le 31 août, met notamment en scène un personnage contemporain, Daniel, et ses clones, des néo-humains. Considérez-vous ce récit comme de la science- fiction ?

Le récit au présent, celui de Daniel 1, est déjà une légère anticipation. Par exemple, je ne pense pas que Lolita, le magazine où travaille l’amie de Daniel, marcherait aujourd’hui. De même, je ne crois pas que les intégristes musulmans vont être ringardisés tout de suite. Cela va prendre un peu de temps. Je dirais que la partie “Daniel 1” est une anticipation à dix ans. Le reste, les clones, les néo-humains, c’est de la science-fiction, c’est-à-dire de l’anticipation sans garantie de réalisation.Pourtant, à vous lire, on se dit que les probabilités de réalisation sont sérieuses, voire certaines.

Certaines choses sont, je crois, irréversibles. Tout ce que la science peut permettre sera réalisé, même si cela modifie profondément ce que nous considérons aujourd’hui comme humain, ou comme souhaitable.

J’ai mis longtemps à l’admettre, mais la philosophie relève de la littérature, et ce n’est pas la littérature qui dit la vérité. Seule la science dit la vérité. Et sa vérité s’impose.

La science-fiction m’a beaucoup intéressé à une époque. Puis quand elle s’est tournée presque exclusivement du côté de l’informatique, j’ai un peu abandonné. C’est intéressant, certes, l’informatique, mais bien moins que la biologie, pour envisager l’avenir de l’humanité. J’avais perdu le goût de la science-fiction. J’avais écrit sur Lovecraft. Et j’ai souvent constaté qu’après avoir écrit sur un sujet qui me passionnait je m’en désintéressais.

C’est le cas avec Lovecraft, que j’ai mis longtemps à relire. Mais aussi avec les clubs échangistes, et même avec la Thaïlande. J’avais songé à m’y installer, mais après avoir écrit Plateforme, je n’en avais plus aucune envie. Et c’est encore le cas pour le livre qui sort maintenant. Je me suis intéressé aux voitures puissantes, aux sectes adeptes du clonage. Et c’est fini. J’ai le sentiment de ne m’être intéressé à tout cela que pour l’écrire. C’est parfois une sensation désagréable de vivre les choses uniquement pour les écrire. Le temps d’écrire La Possibilité d’une île, je me suis installé en Espagne. J’aime travailler sur le motif, j’ai besoin de repères réels. Maintenant, je quitte l’Espagne.

Pour ce qui concerne la science-fiction, j’ai eu récemment un retour d’intérêt, et j’ai lu de très bons livres. Je me dois aussi de mentionner un roman qui est depuis longtemps une sorte de livre de chevet pour moi, Demain les chiens, de Clifford Simak. Simak y réfléchit sur l’avenir de la ville. Les humains continueront-ils à se rassembler, à vivre dans les villes, ou communiqueront-ils seulement de manière virtuelle ?

Dans votre roman, la question est réglée.

Oui, les néo-humains communiquent de manière virtuelle, et ils ont peu à peu, au fil des clonages, perdu les principales caractéristiques de l’humanité : le rire, les larmes, l’humour. Simak, d’autre part, parle des chiens d’une manière qui satisfait mon côté schopenhauerien : il imagine que les chiens ont inventé les hommes pour s’expliquer leurs origines…Est-ce Schopenhauer qui vous rend si sévère avec Nietzsche et avec Hegel, que vous tenez pour un imbécile ?

Oui, bien sûr. Je suis un militant schopenhauerien, donc antihégélien. Et Nietzsche a durablement barré l’accès à Schopenhauer ; j’ai par exemple lu Nietzsche avant Schopenhauer, que j’ai découvert assez tard. En fait, je dois à Nietz-sche l’occasion de ma première intervention publique.C’était au lycée de Meaux, en cours d’allemand. On lisait le texte sur le dernier des hommes. Je me suis élevé contre le propos de Nietzsche et j’ai affirmé qu’il fallait souhaiter l’avènement du dernier des hommes. J’ai été exclu du cours. Je suis parti avec la dignité du martyr. Et je me suis mis à lire Nietzsche. Non sans fascination. J’étais très impressionné. Mais ensuite j’ai découvert Schopenhauer et considéré que Nietzsche n’était qu’une petite partie de la pensée de Schopenhauer. Plus exactement, la contradiction systématique d’une version très simplifiée de sa pensée.

Dans votre précédent roman, Plateforme, vous cherchiez une unité, une narration très simple. La Possibilité d’une île est une structure plus complexe. Est-ce parce que, comme vous l’avez dit, vous considérez Plateforme, malgré son succès public, comme un échec ?

Il y a un peu de cela. Plateforme était au départ un projet plus ambitieux que le roman que vous avez lu. Au bout du compte, c’est seulement une histoire. C’est trop une histoire.J’aime qu’un roman soit plus qu’une histoire, plus qu’une narration close. Qu’on puisse entendre des paroles multiples, des points de vue divers. J’aime faire intervenir du commentaire, comme je le fais dans ce nouveau livre, où il y a abondance de commentaires. Mais curieusement, et sans que je le calcule à l’avance, mes romans sont toujours en trois parties, qui ont toujours la même proportion. Et il y a toujours quelque chose de franchement nouveau qui intervient au début de la deuxième partie : ici c’est le personnage d’Esther. Quant à la troisième partie, elle est toujours plus méditative et sans événement.

Pourquoi avez-vous dit, à plusieurs reprises, que vous aimiez écrire “pas tout à fait éveillé” ?

J’ai moins de censure quand je suis dans cet état. Je suis meilleur, plus libre, moins contrôlé. Je corrige ensuite, tout le temps, même encore sur les épreuves du livre. Mais le premier jet, j’aime bien le faire dans la brume.

De l’écriture automatique, malgré le mal que vous pensez d’André Breton, un “crétin”, écrivez-vous dans votre roman ?

C’est un mot. Je n’ai pas de mépris pour le surréalisme, même si je trouve qu’il a été trop récupéré. Publicitairement. Mais l’idée de l’amour libre me paraît absurde. Pour moi, amour et liberté sont radicalement antinomiques. Toutefois, je ne dis pas qu’il faudrait renoncer à l’amour…

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Vous dites de vos deux personnages féminins principaux que l’un n’aimait pas assez le sexe et l’autre pas assez l’amour.

En effet, mais je maintiens que “amour libre” est un oxymore. Que l’amour est toujours une aliénation, de soi et de l’autre.Et l’amour des chiens, qui semble demeurer chez les néo-humains, n’est-ce pas une aliénation ?

Il y a d’abord l’amour du chien pour son maître. Mais pour le chien, la question de la liberté ne se pose pas. Et le désir d’être un chien, le désir de dépendance, peut aussi se comprendre, non ?Au début d’un de vos livres, Rester vivant, méthode, paru en 1991, vous écrivez que “le monde est une souffrance déployée”. N’est-ce pas ce que vous n’avez cessé d’explorer depuis ?

Si. C’est cela. Avec des moments de bonheur bien sûr. Il y a une citation de Schopenhauer que je n’ai pas réussi à placer dans mon roman et qui pourtant me plaisait particulièrement, c’est que “la possibilité du bonheur devait subsister, à titre d’appât”.Il n’est pas illégitime de me traiter, comme on l’a fait, de professeur de désespoir, de souligner ma filiation avec Schopenhauer. Je ne suis pas le seul, j’ai, dans cette lignée, de prestigieux aînés, Maupassant, Conrad, Thomas Mann, par exemple. Et Cioran, auquel je reproche pourtant de n’avoir jamais cité Schopenhauer. Je sais que mon côté négatif déplaît, tout particulièrement aux femmes. Elles ont du mal avec ce négatif.

Quand j’ai écrit Extension du domaine de la lutte, mon premier roman, je pensais vraiment que mon livre allait changer le monde. Une idée que j’ai évidemment abandonnée depuis. Certes, un romancier a nécessairement une forme de mégalomanie, que je dirais sociologique, mais là c’était plus profond, j’étais certain que mon livre allait avoir une action directe sur le réel.

Aujourd’hui, La Possibilité d’une île, c’est un peu “dernières nouvelles du chaos”, avec beaucoup d’humour. On rit souvent, mais c’est inquiétant.

C’est l’histoire d’un changement. Au travers des néo-humains, il y a implicitement, de manière continue, une critique du bouddhisme. Pour en faire une véritable critique, il faudrait bien sûr tout un essai, c’est une entreprise très complexe, plus que la critique de l’islam. Moi j’ai écrit un roman. Où les néo-humains souffrent d’avoir renoncé au désir, au contact.Cette expérience de néo-humains, au bout du compte, c’est un échec.

Pas tout à fait. L’issue du livre est assez ambiguë. Le personnage qui s’appelle Marie 23 part vers le lieu où, dit-on, subsistent des sauvages…

Qui ont gardé quelque chose d’humain. Donc elle part dans l’espoir de retrouver un peu d’humanité.

Oui. Mais Daniel 25 la suit sans y croire. On ne sait pas très bien pourquoi il part. Marie 23 lui manque, bizarrement. Et d’une certaine manière, il est content d’être dans la nature, avec son chien Fox, lointain clone du Fox de Daniel 1.Et qui est cette Soeur Suprême, ce bizarre principe supérieur, que vous faites apparaître. D’où vient-elle ?

Honnêtement, je ne sais pas, sinon que j’aime beaucoup l’association des mots : je trouvais que ça sonnait bien. C’est une destructrice, qui a refusé d’aider les humains, une sorte de divinité maléfique, mais je n’ai pas vraiment utilisé de références mythologiques pour l’imaginer. Ou il s’agit peut-être de très vagues réminiscences, que je ne pourrais même pas citer.Vous avez commencé en littérature en publiant des poèmes dans La Revue de Paris, que dirigeait Michel Bulteau. Et, dans ce dernier roman, vous faites assez souvent intervenir la poésie, dont vous estimez qu’elle “précède la littérature”. Qu’entendez-vous par là ?

On peut considérer l’existence d’images, de sensations, de situations poétiques, qui précèdent leur expression particulière. Cela rejoint souvent des clichés, toujours mal vus. Par exemple, l’idée que la brume est poétique.Je renverrais aux travaux de Jean Cohen, selon lesquels la poésie établit un monde où la contradiction est impossible. Dans la littérature, la poésie n’est pas seulement dans les poèmes, c’est une évidence.

Pour moi, les romans policiers d’énigme deviennent très poétiques lorsqu’ils arrivent au point où tout le monde peut être coupable, où le danger peut être partout, où la raison est radicalement désorientée. Dans La Possibilité d’une île, j’avais envie de poésie sous sa forme codée, classique. De poèmes.

Et vous avez voulu rendre hommage à Baudelaire.

Lorsque je me sens à mon meilleur, que je suis vraiment fier de moi, je m’autorise à citer un poème de Baudelaire. Pour moi, ça reste le plus grand des poètes, et donc le plus grand des écrivains ; parce que je continue à penser que la poésie est le genre suprême, esthétiquement.Mais, du point de vue de la vérité, la supériorité revient à la science.

J’en suis désolé. Je suis désolé aussi pour Schopenhauer, que j’admire, mais c’est la science qui dit la vérité. Point.Si vous ne pensez pas que la littérature dise la vérité du monde, que faites-vous donc à écrire des romans au lieu d’être dans un laboratoire à chercher la vérité ?

Euh… je crois qu’on finit toujours par faire ce pour quoi on est le plus doué. Mais l’art, selon moi, n’atteint pas la vérité. Il cherche à donner une vision esthétique de la vie. Il se peut que je trouve ça assez triste, mais c’est ainsi.On vous fait beaucoup de reproches, souvent contradictoires. D’être fasciste. Ou bien stalinien. Ou encore raciste, islamophobe, etc. Maintenant, on va vous reprocher de faire l’apologie du clonage, et de vouloir être cloné. Ce qu’on vous reproche profondément, n’est-ce pas de montrer le monde tel que vous le voyez devenir, sans critiquer cet état de fait, sans appeler à le changer, sans proposer de résister ?

Sûrement. On me reproche de montrer, en détail, ce qu’est l’humanité moyenne. Et d’être certain, comme je le disais au début de notre entretien, que tout ce qui est techniquement possible sera entrepris, même si ce n’est pas vraiment humain. Le clonage aura lieu.Etre cloné, moi ? Je ne sais pas si j’en ai tellement envie. Peut-être. Toutefois, je n’aimerais pas voir mon clone. Il faudrait que je meure au moment de son avènement. Mais, profondément, je pense que tout cela est irréversible. Et qu’il est inimaginable que cela ne produise pas non seulement des états dépressifs, mais de terribles névroses. Dont certains n’aiment pas que je fasse le constat.

Houellebecq